Dans le pétrin autrichien
L’article 10 de la directive 92/85 protège les travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes contre tout risque de licenciement pendant la période allant du début de leur grossesse jusqu’au terme du congé maternité.
La loi autrichienne confirme ces dispositions en ajoutant par ailleurs que l’ignorance de la grossesse par l’employeur peut rendre possible un licenciement, à moins que l’employeur soit informé de la grossesse ou de l’accouchement dans les cinq jours à compter de l’annonce du licenciement.
Sur l’application combinée de ces deux textes, la pratique réserve d’épineuses questions aux interprètes de la loi. Celle de la fécondation in vitro n’avait pas encore été posée. C’est la Cour de Justice des Communautés Européennes, interrogée par la Cour de Cassation autrichienne, qui y a répondu le 26 février dernier.
Dans cette affaire, Madame Mayr avait été employée par les boulangeries Flöckner à compter du 3 janvier 2005 en qualité de serveuse. Dans le cadre d’une tentative de fécondation in vitro, une ponction folliculaire a été effectuée sur celle-ci le 8 mars 2005, ce qui a justifié un congé maladie du 8 au 13 mars 2005. Le patron de la boulangerie lui avait alors fait savoir qu’il entendait la licencier. Par lettre du même jour, Madame Mayr avait alors informé Flöckner de ce que, dans le cadre d’un traitement de fécondation artificielle, le transfert dans son utérus des ovules fécondés était programmé pour le 13 mars 2005. Flöckner ayant rejeté les réclamations de sa salariée, fondées sur la fécondation évidente, à la date du 10 mars 2005, de ses ovules par les spermatozoïdes de son partenaire, celle-ci s’en est remise à l’arbitrage judiciaire autrichien. La Cour de Cassation, saisie in fine du litige, a interrogé la juridiction européenne sur l’application de la directive 92/85. Dans cette espèce, la question aurait pu être posée en ces termes : La pâte qui, avant de passer au four, se trouve dans le pétrin, est-elle déjà du pain ?
La Cour répond d’une manière inattendue : compte tenu de la période de dix ans pendant laquelle les embryons peuvent être congelés pour être «utilisés » à la discrétion des partenaires, la période de protection ne saurait débuter avant le transfert des ovules fécondés dans l’utérus de l’intéressée.
En revanche, précise-t-elle à toutes fins utiles, la directive 76/207 relative à l’égalité de traitement entre hommes et femmes au travail, pourrait trouver à s’appliquer si, dans les circonstances considérées, le licenciement était fondé sur le fait que l’intéressée avait subi un traitement de fécondation in vitro.