Rustiques solipèdes
Saviez-vous que nos lointains technocrates européens se préoccupent du bien-être animal pendant les transports ? Ils s’en préoccupent, certes, sous l’angle de la libre circulation des marchandises et de l’interdiction des entraves déguisées aux échanges, mais ils s’en soucient quand même… Si bien que le bien-être animal pendant les transports constitue l’objectif de certaines directives et règlements européens, auxquels il convient pour les Etats membres de se conformer.
Saviez-vous ainsi par exemple qu’en ce qui concerne l’espèce porcine, les animaux transportés doivent disposer de suffisamment d’espace pour rester debout dans leur position naturelle ? Saviez-vous encore que, sauf conditions de ventilation spéciales, ils doivent aussi avoir de l’espace pour pouvoir se coucher ? Saviez-vous enfin que la durée de voyage des animaux ne doit pas dépasser huit heures, sauf à prévoir des dispositions particulières de ventilation et d’accès direct aux animaux ?
Qui, pourtant, n’a pas croisé un camion transportant des animaux vers l’abattoir dans des conditions relevant plus de la boîte de sardines que de ces belles pétitions de principes ?
Prenant acte, toutefois, de ces dispositions communautaires, le gouvernement danois a entrepris de les rendre applicables en droit interne par une transposition des plus méticuleuses.
Un arrêté de 1993 est ainsi venu fixer les hauteurs maximales des compartiments de transport des porcs, lesquels hauteurs, rigoureusement consignées dans des tableaux, sont fonction du poids moyen des animaux embarqués, mais également des systèmes de ventilation mis en œuvre. La même austérité se retrouve dans les tableaux relatifs à l’espace minimal admis pour chaque animal, qui est fonction, quant à lui, de la durée du transport.
Or la fédération danoise des producteurs de porcs, estimant probablement qu’offrir de l’espace à ces rustiques solipèdes revenait à leur proposer de la confiture, s’est plainte auprès de la Cour de Justice des Communautés Européennes – par l’intermédiaire du juge national - d’une trop extensive transposition des dispositions communautaires. La Cour, dans un arrêt du 8 mai dernier, bien que laissant le soin à la juridiction nationale de vérifier si les normes ainsi fixées ont eu pour effet d’entraver les échanges intracommunautaires, relève que le flou artistique de certaines desdites dispositions laisse aux Etats membres une vaste marge de manœuvre dans la transposition… Voilà qui devrait contribuer à éviter, à l’avenir, toute confusion entre les cochons danois et les sardines à l’huile.